1. Le conseil de l'Europe a pour vocation de protéger la dignité des êtres humains et les droits qui en découlent.
2. Les progrès de la médecine, grâce auxquels on guérit aujourd'hui de nombreuses affections jusque là incurables ou fatales, le perfectionnement des technologies médicales et le développement de la réanimation, qui permet de maintenir quelqu'un en survie prolongée, repoussent sans cesse les limites de la mort. Les conditions de vie de celui qui va mourir passent souvent au second plan, dans le déni de sa solitude, de sa souffrance comme de celle de ses proches et des soignants.
3. En 1976, dans sa Résolution 613, l'Assemblée se déclarait «convaincue que les malades mourants tiennent avant tout à mourir dans la paix et la dignité, si possible avec le réconfort et le soutien de leur famille et de leurs amis», et ajoutait, dans sa Recommandation 779 (1976), que «la prolongation de la vie ne doit pas être en soi le but exclusif de la pratique médicale, qui doit viser tout autant à soulager les souffrances».
4. Depuis, la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine a posé d'importants principes et ouvert la voie sans pour autant faire mention explicitement des conditions particulières à prévoir dans le cas des malades incurables et des mourants.
5. L'obligation de respecter et de protéger la dignité d'un malade incurable ou d'un mourant est la conséquence naturelle de la dignité inviolable inhérente à l'être humain à tous les stades de la vie. Ce respect et cette protection se traduisent par la création d'un environnement approprié qui permet à l'être humain de mourir dans la dignité.
6. Il convient tout particulièrement de veiller à ce soin dans le cas des membres les plus vulnérables de la société, comme l'ont montré d'innombrables expériences passées et présentes de la souffrance. L'être humain, qui commence sa vie dans un état de faiblesse et de dépendance, a besoin de protection et de soutien lorsqu'il se trouve à l'article de la mort.
7. Divers facteurs font aujourd'hui peser une menace sur les droits fondamentaux que confère à tout malade incurable et à tout mourant sa dignité d'être humain:
• un accès insuffisant à des soins palliatifs et à des traitements antidouleur judicieux;
• l'absence assez fréquente de traitement des souffrances physiques et de prise en considération des besoins psychologiques, sociaux et spirituels;
• le prolongement artificiel du processus de la mort, que ce soit par l'utilisation de moyens médicaux hors de proportion avec l'état du malade ou par la poursuite du traitement sans son consentement;
• l'absence de formation permanente et de soutien psychologique à l'intention des professionnels des soins de santé œuvrant dans le cadre de la médecine palliative ;
• l'attention et le soutien insuffisants accordés aux parents et aux amis des malades incurables et des mourants, qui, s'il en était autrement, allégeraient la souffrance humaine dans toutes ses dimensions;
• la crainte qu'éprouvent les malades de perdre leur autonomie et de devenir un fardeau pour leurs parents et les institutions en venant à être totalement dépendants d'eux;
• l'absence ou l'inadéquation de l'environnement social ou institutionnel où l'individu puisse quitter ses proches et amis en paix;
• l'insuffisance des fonds et des ressources alloués aux soins et au soutien des malades incurables et des mourants;
• la discrimination sociale dont font l'objet la faiblesse, l'agonie et la mort.
8. L'Assemblée invite les Etats membres à prévoir dans leur droit interne des dispositions assurant aux malades incurables et aux mourants la protection juridique et sociale nécessaire contre les dangers et les craintes spécifiques auxquels ils peuvent se trouver confrontés dans le cadre de ce droit, et en particulier contre:
• le risque d'être en proie à des symptômes insupportables à l'approche de la mort (douleurs, suffocation, etc.);
• le risque de voir leur existence prolongée contre leur volonté;
• le risque de mourir dans l'isolement et l'abandon;
• le risque de finir leurs jours dans la crainte d'être un fardeau pour la société;
• le risque de voir limiter les moyens artificiels de survie pour des raisons d'ordre économique;
• l'insuffisance des dotations en fonds et en ressources consacrés à l'assistance, aux soins et au soutien des malades incurables et des mourants.
9. L'Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres d'encourager les Etats membres du Conseil de l'Europe à respecter et à protéger la dignité des malades incurables et des mourants à tous égards.